Abdoulaye, 30 ans, tué par la police, au Havre : ces questions au cœur de l’enquête, Où en est l’enquête ?

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Dans la nuit du lundi au mardi 16 décembre 2014, peu avant 1h du matin, Abdoulaye, 30 ans, aurait reçu dix balles dans le corps. Deux policiers du Havre (Seine-Maritime) l’ont abattu,avenue du Bois au Coq, dans le quartier populaire du Mont-Gaillard, en Zone de sécurité prioritaire (ZSP).
Le jour du drame, à 16h, le procureur de la République du Havre, Francis Nachbar, donnait une longue explication, décrivant « une scène d’horreur », lors d’une conférence de presse. Il met clairement en avant « la légitime défense » des deux fonctionnaires de police. Le procureur de la République, qui est venu sur place dans la nuit du drame, a décidé (Ndlr : pour l’instant) de ne pas saisir l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). C’est le SRPJ (Service régional de police judiciaire) de Rouen qui a été chargé des investigations.

Pourquoi 20 coups de feu ? Les deux policiers de la brigade canine auraient tiré 20 coups de feu, après avoir vu Abdoulaye asséner une vingtaine de coups de couteau « à un passant ». Dix impacts ont été retrouvés sur son corps, quatre dans le torse, six dans les jambes, selon le procureur de la République du Havre, Francis Nachbar. Pourquoi avoir tiré ? « Les deux policiers ont vu un individu se jeter sur un homme dans la rue, et lui porter plusieurs coups de couteau (Ndlr : Le passant, âgé de 32 ans, est grièvement blessé. Notamment au visage. Il aurait reçu une vingtaine de coups de couteau. Hospitalisé d’urgence, ses jours ne seraient plus en danger). Ils sortent alors de leur véhicule pour l’interpeller. Mais l’homme se retourne, délaisse sa victime, et fonce sur l’un des deux policiers, le couteau à la main », relatera le procureur de la République. Malgré les mises en garde des policiers, Abdoulaye aurait continué à les menacer. « Tel un ‘Robocop’ », selon les termes d’un enquêteurs du SRPJ, Abdoulaye serait resté debout, malgré les tirs. D’après le procureur, bien qu’ayant reçu des balles dans le corps, Abdoulaye se rapprochera d’un policier, qui trébuchera en reculant. L’autre fonctionnaire, pour empêcher l’individu de s’attaquer à son coéquipier, aurait tiré lui aussi, pour le stopper. Définitivement. Les deux fonctionnaires ont été placés en garde à vue, le temps des auditions, puis remis en liberté.

Pourquoi avoir tiré autant de fois ? « Les cartouches, de 9×19 expansives, les cartouches opérationnelles de la police, se déploient à l’impact, elles ne traversent pas le corps et neutralisent, ce ne sont pas des munitions pour tuer, mais elles peuvent évidemment être mortelles », explique à Normandie-actu une source judiciaire.

Les 20 coups de couteau ? La famille d’Abdoulaye s’interroge, elle, sur le fait que les deux policiers « ont attendu avant d’intervenir, et ce, de manière disproportionnée », selon eux. « Comment Abdoulaye a pu avoir le temps de donner 20 coups de couteau à un homme, sous le regard des policiers ? », demande la famille, qui s’interroge aussi sur ce « passant », toujours hospitalisé. Selon les proches d’Abdoulaye, ce « passant», il le connaissait : « Je pense qu’il s’est battu avec lui, avant, dans son appartement. Quand je me suis rendu à son appartement, la porte était défoncée », relate son frère, à Normandie-actu. Le procureur de la République du Havre, quant à lui, n’a pas évoqué cette possibilité, lors de la conférence de presse.

Une bagarre dans son appartement ? « Cela reste possible, mais, dans l’état, les investigations ne nous permettent pas de dire qu’ils étaient plusieurs dans cet appartement », explique une source judiciaire à Normandie-actu. Selon les premiers éléments, Abdoulaye était donc seul dans son appartement, et aurait été pris d’une « crise de démence meurtrière » et aurait « tout cassé » chez lui. Il se serait blessé, tout seul, suite à cette crise. Abdoulaye serait alors sorti de chez lui, et aurait voulu, dans un premier temps, agresser deux voisines qu’il a croisées sur son pallier. Poursuivies par cet homme, « ensanglanté, pieds nus et en caleçon », les deux jeunes femmes se seraient réfugiées chez elles, bloquant la porte pour ne pas le laisser entrer.
Selon le procureur de la République, à cet instant, Abdoulaye « avait les yeux révulsés, comme s’il était possédé ». Pour la famille d’Abdoulaye, il aurait « sans doute voulu demander de l’aide après la bagarre dans l’appartement ». Paniquées, les deux voisines, elles, ont immédiatement appelé la police. Deux véhicules des forces de l’ordre auraient été immédiatement dépêchées sur les lieux, attendant des renforts.

La famille d’Abdoulaye a pris contact avec un avocat et envisage de déposer plainte, avec constitution de partie civile. (DR)
La famille d’Abdoulaye a pris contact avec un avocat et envisage de déposer plainte, avec constitution de partie civile. (DR)

 

« Il était alors trop compliqué de faire sortir le chien »

Quand les policiers ont-ils croisé Abdoulaye ? L’un des deux véhicules de police aurait croisé Abdoulaye, dans la rue, en bas de son immeuble. Abdoulaye aurait frappé au carreau du véhicule, avec violences. « Le carreau n’a pas cédé, mais il a frappé avec son couteau sur la vitre du véhicule. Il était très menaçant », relate une source judiciaire. Les agents de la brigade canine ne seraient pas intervenus, immédiatement, attendant des renforts, expliquera le procureur de la République. « Il était alors trop compliqué de faire sortir le chien », expliqueront des enquêteurs. Et ils n’avaient pas de Taser. La famille, elle, affirme que les policiers de ce premier véhicule auraient baissé la vitre, et aspergé de gaz lacrymogène Abdoulaye. Ce, avant qu’Abdoulaye ne s’en prenne à ce passant, dans la rue, lui assénant des coups de couteau.

Quel couteau ? Le procureur de la République du Havre affirme qu’Abdoulaye était en possession d’une arme artisanale, « à trois lames de 10 cm, enroulées par du ruban adhésif ». La famille se déclare, elle, étonnée de cette description : « Abdoulaye ne savait pas bricoler ! Selon nous, il s’agissait d’un couteau à huîtres ».

Quel est le profil d’Abdoulaye ? Si le dossier judiciaire du jeune homme fait aujourd’hui l’objet d’une étude très approfondie, le procureur de la République a rappelé qu’Abdoulaye a été condamné à trois ans de prison, dont deux avec sursis pour vol à main armée et violences à agents de la force publique. La famille, elle, estime qu’Abdoulaye s’était « rangé », et n’avait plus eu d’ennuis avec la justice, « depuis 2005 ».

Des antécédents psychiatriques ? La famille affirme ne pas en avoir connaissance, et s’étonne du terme « crise de démence », employé par le procureur de la République du Havre.

Le procureur sera « totalement transparent »

Où en sont les investigations ? Le procureur de la République du Havre, même s’il n’a pas décidé de saisir l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), affirme qu’il sera « totalement transparent » sur cette affaire, comptant notamment sur l’exploitation des caméras de vidéosurveillance, placées avenue du Bois au Coq. Une autopsie a été pratiquée sur le corps d’Abdoulaye, mercredi 17 décembre 2014. Elle révélerait qu’aucune balle n’a été tirée « dans le dos ». Le procureur du Havre serait toujours dans l’attente d’analyses toxicologiques et d’alcoolémie. La famille d’Abdoulaye a pris contact avec un avocat et envisage de déposer plainte, avec constitution de partie civile.

Comment réagissent les riverains du quartier ? Pour éviter tout trouble de l’ordre public, des forces d’intervention quadrillent le quartier depuis mardi 16 décembre 2014. Une association souhaite aujourd’hui apaiser les esprits. Elle a notamment demandé l’autorisation d’organiser un événement, le jour du réveillon, dans le quartier.

Les habitants du quartier (situé en Zone de sécurité prioritaire) ont de nombreuses interrogations concernant les conditions de la mort d’Abdoulaye, et cela provoque des tensions. Ils sont dans l’attente des résultats de l’enquête. Le problème, c’est que ce drame donne aussi un prétexte à ceux qui commettent déjà des actes d’incivilités », s’inquiète une adhérente de l’association.

Source : Normandie-actu

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