CHERIF HABIB AÏDARA, VICE-CONSUL DU SENEGAL AU MAROC

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CHERIF HABIB AÏDARA, VICE-CONSUL DU SENEGAL AU MAROC

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L’OBS – «Je suis prêt à quitter mon poste de vice-consul pour rentrer m’occuper convenablement de la mairie de Bonconto»


L’homme est resté égal à lui-même, franc et courtois. Issu de la grande famille chérifienne de Darou Hidjiratou et apparenté aux trèsgrandes familles de Mouhamadou Saïdou Bâ de Médina Gounass et de Thierno Ahmadou Barro de Mbour,Chérif Habib Aïdara, actuel vice-consul du Sénégal au Maroc, est un politicien engagé auprès du Chef de l’Etat, Macky Sall.Décidé à se battre pour le développement de Bonconto, sa ville natale, dont il est le maire, Habibou, comme l’appellent les intimes, est aujourd’hui prêt à quitter son poste de diplomate pour répondre légitimement aux attentes de ses administrés. Il répond ici à un protocole d’interview que L’Obs lui a envoyé via le Net.

M. Aïdara, vous êtes le vice-consul du Sénégal à Casablanca et maire de Bonconto. D’ailleurs, vous venez d’être confirmé à votre poste après un recours en annulation à la Cour suprême de la décision de la Cour d’Appel qui avait donné gain de cause à votre adversaire, en l’occurrence Ibrahima Diao. Pouvez-vous revenir sur cette élection ?  

Concernant la mairie, depuis mon engagement politique, je n’avais initialement pas souhaité briguer un poste électif dans le département de Vélingara et même dans toute la région. Mais, une situation s’est créée lors des dernières élections locales et je devais prendre une décision. Même si elle est mauvaise, comme un Américain l’avait dit : «Quand vous avez 100 mauvaises décisions à prendre, prenez la moins mauvaise, mais décidez quand même.» Juste après les élections locales, lors desquelles notre parti a gagné sans coalition, dans la commune, il y a eu 3 leaders de notre parti qui ont voulu briguer le poste de maire, en l’occurrence El Hadji Saïdou Gano, un homme très bien, loyal et courtois ; Oumar Cissé, fidèle allié, qui m’a accompagné dès mon premier meeting d’engagement politique ainsi que celui qui nous a rejoint aux Législatives, en tant que coordinateur et mandataire. Il fallait aussi tenir compte de l’ancien Président de la Communauté rurale, M. Oumar Sabaly, qui avait et qui a une représentativité incontestable. Aucune de ces personnes n’était prête à céder pour l’autre. Je leur ai donc demandé de se réunir et de discuter pour trouver un consensus autour d’une d’entre elles. Cela n’a pas pu se faire. Au contraire, c’est un déchirement profond qui allait s’opérer. Finalement, parmi les 4 leaders, 3 ont décidé que je sois le candidat consensuel. Comme le travail que nous avons abattu pendant 5 ans risquait de se terminer dans le chaos par un déchirement, j’ai accepté de briguer le poste de maire. J’avais à mes côtés, sans contradiction, El Hadji Saïdou Gano, Oumar Cissé et Oumar Sabaly (ancien Président de la Communauté rurale), dont je salue au passage l’action. Celui qui nous avait rejoints aux Législatives, en l’occurrence Ibrahima Diao, constituait la seule faction qui s’est opposée à mon élection. Pis, il s’engagera dans une aventure de recours à la Cour d’Appel, sans maîtrise des textes du Code général des collectivités locales et qui finira naturellement par être débouté à la Cour Suprême. Je remercie, d’ailleurs, au passage la justice de notre pays à laquelle j’ai toujours fortement cru.

Vous êtes aussi président de l’Association des maires du département de Vélingara. Comment êtes-vous arrivé à asseoir ce large consensus autour de votre personne ?

Je crois qu’avant tout, c’est une question de confiance. J’ai grandi avec la plupart des maires qui m’ont élu président de l’Association des maires de Vélingara, nos familles se connaissent très bien et vivent ensemble dans un respect réciproque et bien encré ; bien que, sur le terrain politique, tous les coups sont permis. Je voudrais rajouter que la raison qui nous a poussés à mettre en place cette Association des maires de Vélingara, c’est surtout pour mieux prendre en charges les problèmes du département. Nous sommes face à l’appel du devoir, pour répondre à l’exigence urgente du développement local dont la meilleure passerelle est l’application intelligente du Pse (Plan Sénégal émergent), pensé et mis en place par le président de la République, Son Excellence Macky Sall. Permettez-moi de remercier, ici, tous les maires qui ont porté leur choix sur ma modeste personne à la tête de l’Association des maires du département de Vélingara : Amadou Wouri Baïlo (maire de Vélingara) qui n’a ménagé aucun effort pour la mise en place de cette association, longtemps désirée par tous et particulièrement par le maire Seydou Bâ de Médina Gounass, Aliou Baldé  (maire de Kandiaye), Aldjouma Boiro (maire de Linkering), Barsa Soumboundou (maire de Wassadou), Diarga Sané (maire de Pakour) et les doyens Galé Barry et Malick Dia (respectivement maires de Sinthiang Koundara et de Kandia), Kalidou Mbaye (maire de Némataba).

«La politique ne devrait pas être vue comme un moyen d’ascension sociale personnel»

M. Aïdara, vous êtes également issu d’une grande famille chérifienne du Sénégal.  Comment êtes-vous parvenu à allier vos statuts d’homme religieux et d’homme politique ?

Effectivement, je suis de la famille chérifienne de Darou Hidjiratou, mon village natal, fondé par Thierno Al Hadji Mouhamadou Saïdou Bâ de Médina Gounass où il a installé mon père dans lesannées 40. Nous avons donc des liens forts, spirituels et familiaux avec cette famille religieuse et celle de Thierno Ahmadou Barro de Mbour. Je dois signaler que je n’avais jamais fait de la politique auparavant. D’ailleurs, nous sommes une famille qui ne s’impliquait pas en politique. Maintenant, politique et religion, c’est comme j’ai l’habitude de répondre, le Prophète Mouhamed (SAW) a dit qu’aimer son pays est un acte de foi, donc vous ne pouvez pas prétendre aimer votre pays sans essayer de participer à l’amélioration des conditions de vie des populations de ce pays. IL disait, par la même occasion, que celui qui voit les croyants dans une souffrance et qui n’essaie pas de faire ce qu’il peut, pour que ces derniers ne soient plus dans cette souffrance, ne fait pas partie de sa communauté. Vous voyez donc qu’il n’y a pas de contradiction, si nous entendons par politique : identifier les problèmes dans lesquels se trouvent les gens et essayer d’apporter des solutions. Je pense que c’est le premier sens de la politique. Il fallait justement voir avec quel leader politique, avec quel présidentiable le faire, à l’époque, et j’ai pensé que c’était avec le Président Macky Sall. Je me suis donc engagé en politique avec lui, quelques mois après la création de l’Apr, et dont je suis membre du Directoire.

Est-ce dû à votre parcours d’émigré, de grand voyageur ?

Effectivement, je suis un émigré. Depuis 1974, j’ai commencé à voyager. C’est surtout en 1976 que je me suis stabilisé en France. Comme beaucoup d’autres Sénégalais, j’y ai travaillé jusqu’en 1995. Ensuite, j’ai créé ma propre entreprise de promotion culturelle et artistique, qui était basée aux Antilles ; donc je travaillais pour moi-même jusqu’à ce que j’aie voulu retourner au Sénégal. Je me suis dit qu’il y a des grands frères et petits frères qui ont appris et qui enseignaient bien la religion, et ce n’est pas parce que je suis issu d’une famille religieuse que je devais venir les concurrencer et chercher des talibés (rires). J’ai su faire autre chose depuis longtemps, j’ai donc pensé que je peux être utile à mes proches, mes concitoyens, dans un autre domaine, notamment la politique.

Au Sénégal, la politique est plus un moyen d’ascension sociale qu’un levier de développement. Personnellement, qu’est-ce qui explique votre engagement politique ?

D’abord, je pense que la politique ne devrait pas être vue comme un moyen d’ascension sociale personnel, puisque le simple fait de bien réussir sa mission est une ascension. Concernant mon engagement politique, je pense que je peux être utile aux populations. Après 40 ans d’émigration, on a vu tellement de pays et de bonnes choses qu’on a envie d’essayer de mettre en pratique la même chose chez soi. Je me suis engagé en politique, parce que je pense que c’est le cadre qui offre les possibilités de pouvoir apporter quelque chose à ces populations. Lorsque je travaillais en France, j’avais un salaire, mais ce n’était pas avec ce salaire que je pouvais résoudre les problèmes d’achat de fournitures scolaires des élèves de la commune, entre autres. C’est par notre engagement politique que notre mairie a pu prendre en charge, pratiquement, l’ensemble des achats des fournitures scolaires pour l’année académique 2014/2015. Ce qu’on veut faire pour son pays, sa localité, je pense que c’est dans le cadre politique qu’on peut le faire et non dans le cadre de son petit salaire.

Récemment, vous avez emmené des partenaires au Sénégal pour l’électrification rurale. Où en êtes-vous avec ce projet ?

Ce n’est pas de l’électrification rurale dans le sens large du terme s’agissant ce que nous voulons faire avec l’entreprise Dabaddo. Il s’agit plutôt d’installation de  kiosques équipés de panneaux solaires avec une possibilité de connexion via satellites. Ce qui permettra d’initier les élèves à l’informatique, de conserver certains médicaments dans des frigidaires installés dans les kiosques pour les cases de santé, de pouvoir répondre aux besoins administratifs (photocopie, traitement de textes…), de recharger des portables, lampes etc. C’est dans ma mission consulaire que j’ai pu rencontrer un certain nombre de partenaires, dont les fondateurs de Dabaddo (Chad Maxwell, de nationalité américaine et Maurice Kupfer, de nationalité française) avec lesquels je me suis rendu au Sénégal. Comme je viens de le dire, Dabaddo intervient dans l’implantation d’espaces de connectivité qui fournissent énergie, technologie et Internet dans les zones dépourvues d’électricité. Un projet de convention est déjà mis en place. Nous sommes donc venus à la base, avec ces partenaires, et avons discuté avec les chefs de village, les populations, les enseignants, les responsables des structures de santé et le représentant de l’Etat (Sous-préfet) pour voir l’intérêt du projet. Chaque espace permettra, en plus des services cités plus haut, de créer entre 3 et 4 emplois directs. Le projet a beaucoup attiré l’attention des 10 maires du département plus d’autres maires, notamment dans le département de Koumpentoum et même dans la région de Louga. L’idée que nous avons eue de mettre en place l’Association des maires du département de Vélingara, c’est aussi de fédérer nos potentialités, mutualiser nos forces. Chaque maire qui a une opportunité présente celle-ci aux autres pour le bien-être des populations, comme le cas de Dabaddo. Il ne s’agit donc pas ici, de fournir de l’électricité dans les maisons. Pour l’électrification rurale complète, une autre négociation est engagée avec une autre entreprise, américaine représentée au Maroc. Une étude concernant la production et le stockage a été déjà faite, reste à être étudiée la distribution de l’énergie, du centre vers les maisons. Ensuite, le projet sera présenté aux ministères et aux directions concernés, et avec l’approbation de tout le monde, le projet sera réalisé «Inch’Allah». Je dois souligner que notre objectif est de trouver des investisseurs, pas des vendeurs. Dabaddo est donc le premier acte posé.

Un maire expatrié, c’est un maire absent. Est-ce que politiquement cela ne pose pas problème ?

Il est vrai que j’ai gagné la mairie étant loin de la base, mais être loin de celle-ci présente quand même quelques difficultés majeures. En effet, si la rencontre avec des partenaires est plus facile étant vice-consul-maire et que les missions diplomatiques et consulaires peuvent apporter beaucoup à la décentralisation, politiquement, et même pour l’accomplissement de la mission municipale, il est difficile d’être loin de sa base, car il y a beaucoup d’évènements où il faut agir à chaud.

Etes-vous prêt à quitter votre poste pour rentrer au bercail et s’occuper convenablement de vos administrés ? 

Oui ! Si cela ne dépendait que de moi, je serais auprès de ma base pour répondre légitimement à ses attentes, dès maintenant

CHERIF HABIB AÏDARA, VICE-CONSUL DU SENEGAL AU MAROC

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