Me Khassimou Touré (avocat) : « Dire que Cheikh Béthio est Serigne Touba, c’est une offense à la communauté mouride, c’est un manque de respect »
Quelle lecture faites-vous de cette affaire du double meurtre de Médinatoul Salam ?
Ce procès est un procès historique, un procès inédit et un procès sensible. Par la grâce de Dieu, Cheikh Ahmadou Bamba disait dans Massalikoul Djinaan, « quand on frappe à une porte avec insistance, on finit par y entrer ». Nous avons frappé avec insistance devant la porte de la justice et on a fini par y entrer avec brio, avec dignité, avec humilité. Les chefs d’accusation étaient très lourds et sont au nombre de sept. Donc, les charges qui pesaient sur les accusés sont des charges très lourdes. Nous avons procédé méticuleusement à situer les responsabilités des uns et des autres, à asseoir la culpabilité des uns et des autres. Je le disais : Bara Sow et Ababacar Diagne ont été sauvagement tués, ils ont été sauvagem ent ensevelis. Une concertation a eu lieu, une réunion nocturne a eu lieu pour se répartir les tâches, pour protéger certains et jeter l’opprobre sur les autres. Nous avons dénoncé tout cela devant la barre de cette juridiction.
Vous avez aussi réclamé trois milliards en guise de dommages et intérêts, n’est-ce pas un montant fantaisiste ?
Et qu’est-ce que vous retenez des débats d’audience ? J’ai eu mal quand j’ai entendu l’une des épouses de Cheikh Béthio Thioune dire que Cheikh Béthio, c’est Cheikh Ahmadou Bamba. J’ai dit que là, c’est aller trop. Cheikh Béthio n’est pas Cheikh Ahmadou Bamba et Cheikh Ahmadou Bamba n’est pas Cheikh Béthio. Cheikh Ahmadou Bamba était à un autre degré beaucoup plus élevé, beaucoup plus spirituel. Dire que Cheikh Béthio est Serigne Touba, c’est une offense à la communauté mouride, c’est un manque de respect, c’est une offense à Cheikh Ahmadou Bamba, qui n’est pas Cheikh Béthio Thioune, quel que soit le respect et la considération que j’ai pour lui. Cheikh Béthio Thioune ne peut pas être Cheikh Ahmadou Bamba et Cheikh Ahmadou Bamba ne peut pas être Cheikh Béthio. Ils ont chacun un champ d’application bien déterminé.
Qu’attendez-vous de la justice dans cette affaire qui défraie la chronique ?Grosso modo et en définitive, nous attendons de notre justice, qu’elle dise le droit ; nous attendons de notre justice qu’elle se soucie un tout petit peu de la veuve et de l’orphelin. Nous attendons de notre justice, qu’elle réhabilite moralement, socialement, sociologiquement Bara Sow et Ababacar Diagne. Donc les trois milliards que j’ai demandés rentrent parfaitement dans ce qu’on peut appeler la catégorisation des réparations pécuniaires. Je n’ai pas fait cette demande par pure fantaisie ; j’ai fait cette demande en me fondant sur le droit, sur les faits. Il faut une réparation pécuniaire. J’aurais pu demander le franc symbolique mais ce serait tricher de ma part. C’est trahir la confiance de mes mandants qui m’ont demandé de frapper fort pour que pareille atrocité ne se reproduise plus dans ce pays, dans ce beau pays, le Sénégal où l’harmonie, la concorde et la vie en société sont érigées en règle de principe.